À quoi sert vraiment le petit nœud sur les culottes des femmes ?
D’apparence enfantine, ou bien à caractère sensuel, le petit noeud cousu sur les culottes pour femme est bien plus qu’un simple élément décoratif. Il est historique et a des fonctions bien précises. Décryptage.
Impossible. Il est impossible qu’en tant que membre rattaché à la gent féminine, vous n’ayez pas fait partie du club des porteuses de culottes avec un petit nœud. Placés davantage sur le devant que sur l’arrière de ce sous-vêtement, ces rubans noués sont ancrés dans l’inconscient collectif, à tel point que l’on n’y prête même plus attention. Pire encore, on ne sait pas à quoi ils servent réellement. Pourtant, et comme bon nombre de pièces mode universelles, les culottes à nœuds ornementaux renferment bien des secrets, que les experts révèlent au grand jour.
UN PETIT NŒUD SUR LES CULOTTES DES FEMMES DE TOUT ÂGE : POURQUOI ?
En boutiques de lingerie raffinée, dans les enseignes de prêt-à-porter ou bien vendues en lot sur les e-shops des mastodontes de la fast fashion… Les culottes à nœud sont omniprésentes. Aussi bien commercialisés pour les petites filles que pour les adolescentes, les femmes dans la fleur de l’âge et les femmes plus matures, ces sous-vêtements caractéristiques véhiculent une image troublante, menant également à se demander quel message font-ils passer ?
Une place dans la société actuelle que la journaliste Alice Pfeiffer analyse pour Slate «Le nœud sur la culotte est posé au-dessus du pubis de façon à jaillir d’un ventre plat, il suffit d’avoir un peu de bide pour ne plus le voir, tandis que celui positionné au creux de la poitrine jaillit entre des seins très remontés et collés ensemble… Le nœud promeut un corps très juvénile.». De quoi remettre en perspective cet attribut vestimentaire ancestral à l’antipode de la modernité, contrairement aux rubans fixés entre les seins sur les soutien-gorge. S’il n’est pas aussi sexy que son homologue, le ruban décoratif présent sur les culottes ne doit pourtant rien au hasard.
UNE ASTUCE POUR ENFILER CORRECTEMENT SA CULOTTE DANS LE NOIR
Sylvain Besson, chargé des collections textiles au musée d’art et d’industrie de Saint-Étienne, précise à Slate, ne pas avoir trouvé “d’éléments précis sur la date d’apparition des nœuds sur les culottes”. Cependant, selon l’expert “il semble que dès le début, le ruban était utilisé comme un lien pour fermer et tenir les culottes féminines». De plus, à l’origine, le petit noeud sur les culottes permettait aux femmes de pouvoir l’enfiler dans le bon sens, étant généralement contraintes de s’habiller dans le noir avant l’arrivée de l’électricité. Le toucher était alors un sens des plus développés, et le ruban faisait office d’un signe distinctif, mais pas seulement.
UN NOEUD SUR LA CULOTTE POUR FAIRE TENIR LES SOUS-VÊTEMENTS
Si l’on s’en fie aux écrits historiques, le noeud plat servait à empêcher la culotte de tomber puisque l’élastique n’avait pas encore été inventé. Les rubans noués sur les sous-vêtements remplaçaient donc les laçages. «Quand les premières culottes sont apparues, étant donné que l’élastique n’existait pas encore, on tirait sur une lanière ou un cordon.» déclare sur Buzzfeed Denis Bruna, conservateur au département Mode du musée des Arts décoratifs de Paris. “Le nœud apparaît sur les corps à baleines, l’ancêtre du corset, au XVIIe et XVIIIe siècles». Selon lui, «les rubans et les nœuds servaient à ajuster le corsage au niveau de la poitrine, du décolleté et des épaules.». Un transit opéré de la fonction utilitaire à décorative, que l’historien de l’art explique : «cette transformation d’un élément utilitaire vers un élément décoratif s’est faite en le réduisant: le nœud de la culotte du XIXe ou des corps à baleines des XVIIe et XVIIIe siècles était beaucoup plus grand; aujourd’hui, ce sont de tout petits nœuds».
LA PLACE QU’OCCUPENT LES NOEUDS ET LES RUBANS AU FIL DE L’HISTOIRE
Au tournant du XVIe siècle, les nœuds et les rubans sur les vêtements vont même jusqu’à incarner l’opulence du luxe et révèlent la place occupée dans la société. Si à l’époque les femmes ne portent pas de culotte, ce n’est pas le cas du sexe opposé. De leur côté, les hommes de haut rang arborent des culottes boutonnées, non pas en guise de sous-vêtements, mais de pantalon qu’ils profilent en journée et qu’ils montrent à la vue de tous. “Au XVIIe, on trouvait des boutons sur les culottes des hommes.» souligne Denis Bruna. Ces habits se devaient donc d’être riches en ornements. Les artifices ajoutés, qu’étaient les nœuds et les rubans, étaient alors destinés à embellir le produit.
LE NOEUD, UN SYMBOLE LUXUEUX… ET ÉROTIQUE
Si l’on s’en réfère aux codes du luxe, il va sans dire que le ruban incarne leur définition même. Dans la chocolaterie mais aussi en parfumerie, les rubans noués permettent de déballer en coffret, un cadeau… Tout comme visiblement dans l’industrie textile, et notamment concernant la lingerie.
Pendant le règne de Louis XIV, le ruban noué est même bien plus que cela. Il est érotique et “se noue et se dénoue au gré des jeux de séduction», selon l’historienne spécialiste de l’histoire de la mode, Elise Urbain Ruano. À Versailles, le nœud sur les sous-vêtements devient alors une institution et incarne de véritables objets de fantasme, de papillotement et de légèreté. Et ce, jusqu’à ce que la mode masculine n’en veuille plus, face à la représentation de la féminité absolue qu’ils véhiculent. Les hommes de la cour, heureux ou non de ce changement stylistique, transitent vers des caleçons et des slips dans les années 1800, inspirés par les vêtements sportifs des athlètes au XXe siècle.
LE NOEUD SUR LES CULOTTES : UN ÉLÉMENT MARKETING
Tout comme les baleines des corsets, le noeud plat sur la culotte aurait pu disparaître. Somme toute, force est de constater qu’à ce jour, les liens solides qu’il noue avec les sous-vêtements ne semblent pas prêt de se rompre. Une récurrence étonnante que Faustine Baranowski, head designer du secteur lingerie et swimwear du bureau de tendance Promostyl, perçoit comme un élément marketing. «Ce nœud standard, bien souvent fait en Asie, est là pour justifier le prix et ajouter de la valeur aux produits de la grande distribution. L’objectif est que la cliente se dise qu’elle en a pour son argent.». «Dans le cadre d’une mission de consulting pour une marque du Moyen-Orient moyen-bas de gamme, le brief du boss était d’ajouter des nœuds, pour donner l’impression que l’on achète un produit luxueux.». Par conséquent, le petit nœud sur les culottes donnerait l’impression d’un “côté fini aux produits” et agirait tel un trompe-l’oeil permettant de dissimuler “certaines coutures disgracieuses”. `
POURQUOI TROUVE-T-ON ENCORE UN PETIT NŒUD SUR LES CULOTTES AUJOURD’HUI ?
Aujourd’hui ? Le nœud qui s’invite sur les culottes joue dans la demi-mesure. À la fois infantilisant, il peut tout aussi bien être un attrape-regard à caractère sexuel. Dans sa thèse “La robe, du voir au voile : pour une psychopathologie du corps féminin habillé”, la psychologue clinicienne Ludivine Beillard-Robert décrypte le phénomène pour Buzzfeed. «Au principe de la mode féminine se noue l’attrape dû donner-à-voir, de sorte qu’agrafes, lacets et nœuds se positionnent comme attrape-regard. Telle est la fonction des agrafes, lacets et nœuds habilement agencés sur les bords d’un corsage, la fente d’une jupe ou le dos d’une robe, d’être précisément ce quelque chose au-delà de quoi il demande à voir.». Un emplacement stratégique pour le nœud puisque «l’idée est de venir chercher le regard, le capter, pour pouvoir déplacer le curseur.».
UN ATTRAPE-REGARD
Un constat étonnant à l’heure où l’objectification des femmes est dénoncée et que le string apparent d’inspiration Y2K signe son grand retour. Somme toute, entre l’émancipation de la tendance “barbiecore” et du style Régence que l’on doit à la série Netflix La Chronique des Bridgerton, nous sommes en droit de nous interroger si les petits noeuds sur les culottes ne sont pas finalement plus sages qu’il n’y paraît.